Le meurtre étrange de Catherine Carroll

Une étrange affaire qui fait intervenir un faux truand, les méfaits de l’usage de drogue et d’alcool, une amitié trahie, un innocent injustemment condamné et un coupable en cavale rattrapé par la justice.

Dans l’histoire de Catherine Carroll et Brian Doyle son meurtrier, la justice finit par triompher mais au terme d’un parcours pour le moins erratique et d’une enquête rocambolesque.

Le faux caïd

Brian Doyle, un ex-musicien et qui vivait de petits trafics, avait 32 ans en 2002 lorsqu’il est contacté par un chef de gang qui envisage de le recruter dans son organisation.
Celui-ci lui propose même pour une bonne somme un coup: tuer sa femme dont il veut se débarrasser. Il se demande toutefois si Doyle sera suffisamment endurci pour accomplir un meurtre et lui pose la question.
Afin de le convaincre,  Doyle raconte alors comment il a tué Catherine Carroll. Il connaissait bien la victime, c’était la mère de son ami d’enfance, Gregory Parsons.
Avec lui souvent ils passaient par un étroit soupirail pour entrer dans la maison familiale.
C’est ce qu’il a fait ce soir du 2 janvier 1991. Il avait consommé de l’alcool, s’était shooté avec du cannabis et se sentant transporté par un sentiment d’invincibilité, de toute puissance, avait lancé un raid sur la maison de son ami.
Il se coupe à la main en passant par l’étroit soupirail, il utilise alors un mouchoir pour éponger le sang et le lance négligemment dans la machine à laver.
Il entre dans la salle de bain et se déshabille entièrement. Madame Caroll dormait profondément dans son lit. Il s’installe à coté d’elle, dans le but, un peu confus dans son esprit, d’abuser d’elle.

Mais les hurlements qu’elle pousse en se réveillant le surexcitent, il la poursuit dans la maison, s’empare d’un couteau de cuisine et la poignarde à de multiples reprises.
L’enquête montrera qu’elle avait reçu 53 coups de couteau.
Et Doyle exprime au caïd son dégoût retrospectif à la pensée de tout ce sang qui avait giclé sur les murs.
Après le meurtre, Doyle prend une douche, remet ses vêtements et quitte l’appartement.

Il y a une chose qui me gêne, dit-il, c’est que tu soit au courant de tout çà. A juste titre en fait. Le caïd qui voulait soi-disant se débarasser de sa femme était en réalité un des policiers enquêtant sur le meurtre de Catherine Carroll.

Le faux coupable

Les policiers qui en 1991 enquêtent sur le meurtre ont rapidemment été convaincu que Gregory Parsons, le fils de la victime, ne pouvait qu’être le coupable.
Après avoir jeté un coup d’oeil sur le soupirail, ils ont conclu qu’une personne adulte ne pouvait pas passer par là.
La porte d’entrée n’avait pas été fracturée et le fils était le seul avec sa mère à avoir la clé.
Il n’avait pas d’alibi solide, prétendant être resté seul chez lui ce soir là et avoir regardé la télévision (beaucoup de gens font cela, et ainsi n’ont pas d’alibi solide pour les crimes éventuels commis dans leur région).

En outre la façon dont Parsons s’est comporté durant l’interrogatoire, leur a semblé plutôt confondante car il faisait valoir son droit à garder le silence.
Parsons avait découvert le corps de sa mère ensanglanté le lendemain du meurtre, dans une maison dévastée aux murs couverts de sang.
Aussi, lorsque les policiers l’ont interrogé,  le fait d’être traité comme le meurtrier de sa propre mère l’avait choqué tout autant que la découverte du corps, et il a déclaré souhaiter garder le silence.
Ce droit, les policiers l’ont ignoré et ils ont continué à le harceler. Il lui font passer le test de vérité qui s’avère positif (il était alors en proie à de violentes émotions contradictoires qui ont faussé les résultats).

Les policiers ont su communiquer leur conviction aux jurés. Le 15 juillet 1994, Gregory Parsons est condamné à la prison à perpétuité pour le meurtre de sa mère.

L’ADN à la rescousse

Mais le 3 décembre 1996, la cour suprême du Newfoundland et du Labrador annule la condamnation et ordonne un nouveau procès.
Entretemps, les recherches sur l’ADN et leur utilisation judiciaire ont fait de grands progrès et il devient possible d’identifier le sang sur le mouchoir jeté dans la machine à laver par le meurtrier.
Le 26 février 1998, les test ADN donnent la preuve formelle que le sang sur le mouchoir n’est pas celui de Parsons. Il est innocenté.
Le 5 novembre 1998 le procureur général Chris Decker fait ses excuses au nom de l’état à Parsons et sa famille.

La police alors lance tente de retrouver le vrai meurtrier et fait de nombreuses comparaisons d’ADN. Parmi les suspects possible, l’un a quitté la région. On utilise un subterfuge: on réalise le test sur un membre de sa famille et le test s’avère positif. On se met alors à la recherche de Brian Doyle, dont on retrouvera la trace dans l’Ontario.
On pourrait alors l’arrêter, mais pour comprendre ce meurtre étrange où le tueur se met nu pour accomplir le crime et prend posément une douche ensuite, un policier à l’idée du stratagème du caïd cherchant une homme de main prêt à tuer.

Insoupçonnable

Gregory Parsons aura passé plus de six années en prison avant d’être totalement innocenté. Durant ses six ans, il n’a cessé de passer en revue dans sa tête la liste des coupables possibles, et surtout ceux qui connaissaient le passage par le soupirail. Et quand il pensait à Brian Doyle, le musicien, son ami d’enfance, il rejetait aussitôt cette hypothèse. Le Brian qu’il connaissait n’aurait jamais pu faire cela.
Mais il ne connaissait pas l’autre Brian, celui qui était drogué, imbibé d’alcool, qui se sentait tout-puissant, qui estimait pouvoir disposer des autres et de leur vie.

Brian Doyle a plaidé coupable et a été condamné à la prison à perpétuité.